Le champ d’étoiles

La chaleur, étouffante, m’avait poussée à sortir.

Les lumières des lampadaires de la rue venaient de s’éteindre. Il était donc juste minuit.

Je décidai d’aller chercher le courrier au fond du parc, près du portail, ce que j’avais négligé de faire dans la journée.

Il fallait traverser la vaste cour. Au retour, je comptai les lettres – devenues si rares – puis je levais les yeux vers la maison.

Jamais je ne l’avais vue ainsi.

Elle était dans un champ d’étoiles.

Campo Stella …

Sa façade bien blanche se détachait nette, éclairée par la pleine lune, sur un ciel noir ou elles brillaient par milliers

Je m’assis sur l’herbe et rejetai la tête en arrière.

Elles étaient toutes là.

La grande ourse, la petite ourse, l’étoile du berger, la voie lactée … et même … une étoile filante .

Le vœu était prêt depuis longtemps, il jaillit de mon cœur comme une promesse de bonheur

Mon émerveillement était si total que je restai là de longues heures.

La chaleur, inhabituelle en ces contrées normandes, avait-elle donné à la voûte céleste l’apparence qu’elle revêt en Grèce, dans les iles sans lumières terrestres ou le manteau étoilé au grand complet scintille de tous ses feux ?

Ou n’avais-je jamais pris le temps de la regarder ici comme je la regarde là-bas ?

Là -bas il est naturel de ne pas dormir en ces nuits de pleine lune du mois d’Aôut. De trainer son matelas dehors pour jouir du spectacle ? Et ce jusqu’au chant du coq qui salue la lente coloration matinale du ciel a l’Est.

Comment avais-je pu être aussi négligente ? Je me promis de revenir le lendemain soir, à nouveau, vers minuit, assister à la naissance du champ d’étoiles

Las … cette nuit-là fut trop claire, le ciel était comme voilé .

Les étoiles brillantes comme des bijoux avaient été rangées ailleurs, dans leur crin de velours noir…

C’était la nuit du 4 aôut.

Abandon des privilèges …

fin des sortilèges ?